Revue Automobile

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Article paru dans la Revue Automobile no 19 du 7 mai 2015

« L’AUTOMOBILISTE PASSE A PRIORI POUR UN GANGSTER »

Un petit ouvrage qui ne paie pas de mine décortique avec pertinence et clairvoyance les effets pervers des mesures répressives et des dérives d’une législation telle que Via sicura.

« La Fabrique de Criminels ». Ce livre au titre sec et provocateur, publié récemment à compte d’auteur (www.loiszo.com), rue dans les brancards des certitudes, tout en bousculant l’idéologie dominante en matière de législation routière.

L’auteur de ce missile d’une cinquantaine de pages, Roger Loiszo, y insuffle une veine pamphlétaire qu’il dirige avec la force d’un lance-flammes contre un arsenal répressif dont les effets pervers peuvent « briser des vies pour de simples excès de vitesse ». Ou, comme l’indique le titre, enfanter des criminels.

Aucun militantisme de pacotille

Cet acte d’accusation ne marine pas dans le militantisme de pacotille, les jugements hâtifs ou les analyses à l’emporte-pièce. « Mon ouvrage représente les réflexions d’un citoyen ordinaire témoin de situations kafkaïennes de la vie quotidienne et qui tente d’en comprendre les mécanismes », explique Roger Loiszo.

Celui qui travaille à l’Office fédéral de l’informatique et de la télécommunication identifie la principale source des maux dans une tendance sociétale lourde: l’obsession du risque zéro. « Les notions d’accident, de morts sur les routes sont évacuées de l’horizon des possibles. Il n’y a plus de place, désormais, pour la fatalité, l’imprévu. Dans ce contexte, la société materne les individus en décidant ce qui est dangereux pour eux », confie le Valaisan âgé de 48 ans. Il poursuit: « Cette Big Mother dicte notre existence. Elle ne nous protège pas des méchants, mais de nous-mêmes. »

Et quand la machine se grippe, que l’inattendu survient, la Big Mother, telle la nature qui a horreur du vide, cherche des coupables. Pire, « elle trace une ligne rouge au-delà de laquelle les individus en infraction sont considérés comme des criminels, tant les sanctions, je pense en premier lieu à Via sicura, sont d’une violence extrême. »

Citoyens terrorisés par la peur des condamnations

D’ailleurs, comme l’explique Roger Loiszo, c’est la peur des condamnations pénales, des conséquences sociales de la perte d’un emploi pour un père de famille par exemple, qui incite parfois d’honnêtes citoyens à violer la loi. « Un niveau de répression inadéquat, eu égard à l’importance des délits, pousse dans certaines circonstances des personnes bien sous tout rapports à flirter avec la criminalité », souligne l’auteur. « Il semble logique de traiter avec fermeté un individu réellement dangereux afin qu’il comprenne la portée de ses actes, mais il parait disproportionné de faire preuve de dureté avec celui qui a agi par accident. »

Pire, dans cette société cadenassée par les dérives de Via sicura, l’automobiliste passe, par principe, pour un gangster, pour le coupable désigné. « Les conducteurs sont à priori catégorisés dans la classe des nouveaux criminels, car l’on part de l’idée qu’avec leur véhicule ils possèdent une arme », confie, un rien désabusé, Roger Loiszo.

Eungenio D’Alessio


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